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Note d’intention
La chambre des morts est un dispositif narratif qui inclut des projections vidéo, des images peintes et une structure constituée d’étagères métalliques sur lesquelles sont présentées 180 boîtes de pétri contenant de l’acrylique noire carbone en train de moisir (voir schéma + annexe 1).
Les étagères s’organisent en forme de U et recadrent l’espace de la salle. Trois images peintes à l’acrylique sur papier sont accrochées à l’intérieur (voir schéma). Sur chaque plan horizontal des étagères se trouvent les 180 boîtes de pétri.
La structure en U se trouve au centre de la pièce. Des vidéos sont projetées sur les murs de la salle : sur le mur du fond, un plan de la falaise et son effondrement, sur la paroi latérale droite trois plans de pierriers, sur la paroi de gauche trois plans de la zone d’effondrement située au pied de la falaise.
L’ensemble du dispositif peut évoquer un mastaba, ancêtre des pyramides, lieu commémoratif et funéraire dans l’Egypte ancienne. L’infrastructure du bâtiment abrite les défunts tandis que la superstructure est consacrée à leur culte.
La chambre des morts est un dispositif commémoratif ambivalent, qui se déploie à travers plusieurs lignes de récit. |
Primo, les images peintes à partir des photographies réalisées dans les caves du musée des sciences naturelles de Tervuren renvoient à la commémoration des subjectivités animales sacrifiées sur l’autel du profit, du colonialisme violent et destructeur. Dans le regard mort des animaux, on pourrait lire les effondrements à venir.
Secundo, les boîtes de pétri et leur contenu - l’acrylique noire carbone et les moisissures qui s’y développent - engagent un processus commémoratif à double détente.
Un premier mouvement ouvert sur la commémoration de la fin d’un cycle du capitalisme lié à la chimie du pétrole et à son corollaire l’extractivisme destructeur.
Dans le sens littéral de son usage la boîte de pétri est un objet qui sert à la mise en culture. Cette culture sous verre est rangée sur les étagères métalliques qui évoquent la réserve d’un musée. Une lecture possible du dispositif serait alors de déplacer au musée, de mettre au rancart, une société fondée sur l’industrie pétrochimique. Bref de signifier son rejet dans l’histoire et de l’y laisser.
L’autre versant est celle d’une commémoration de nouveaux micro-récits désanthropocentrés générés par les moisissures. Les moisissures qui évoluent comme un acte de résistance et d’affirmation de l’impromptu dans le réel quantifié et mesuré de l’Anthropocène. |
Tertio, la commémoration de l’effondrement signifierait ici la transformation d’un monde dont l’effritement en cours produirait les conditions d’émergence des nouveaux récits désanthropocentrés à venir, les images projetées au mur des agrégats minéraux divers en seraient les constellations porteuses.
L’infrastructure du dispositif commémoratif serait alors cet ensemble d’éléments connectés, la structure en U des étagères métalliques, les boîtes de pétri et leur contenu (acrylique et moisissure), les images peintes à l’acrylique et les projections vidéos sur les murs de la salle. Chaque éléments porteur de commémorations particulières et singulières. La superstructure représentant, comme dans le mastaba, l’expression du culte voué au défunt. Le défunt serait ce monde complexe au prise avec les antagonismes divers et ses contradictions internes qui dans le meilleurs des cas pourraient être les conditions de sortie de ce culte fétichiste du monde anthropocentré.
Bien que de connotation funéraire, le dispositif de la chambre des morts serait un appel à la vie dont la vibration serait inclusive des mondes humains et non-humains, vivants et non-vivants, des mondes bactériologiques et minéralogiques. Pour d’autres cela sera l’image d’une réserve de musée entourée de projections vidéos d’agrégats minéralogiques. |